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APNU JEUNES – Entretien avec la Directrice du Bureau de l’ONU et du PNUD à Bruxelles, Camilla Brückner

La vaste et ambitieuse mission des Nations Unies de promouvoir la paix, la sécurité et le développement humain durable grâce à la coopération internationale est menée par divers organismes, programmes, agences et entités des Nations Unies dans le monde. Le 17 mai 2022, notre équipe Jeunes de l’APNU, composée d’Edwina Séni, Responsable du Comité de rédaction, et Clémentine Schumacker, Rédactrice de l’APNU J., ont eu le privilège de discuter des engagements multilatéraux en matière de paix et de développement avec la Représentante du Secrétaire-Général des Nations Unies à l’UE et Directrice du Bureau de l’ONU et du PNUD à Bruxelles, Camilla Brückner.

Edwina Séni, Responsable du Comité de rédaction d’APNU Jeunes, Camilla Brückner, Directrice du Bureau de l’ONU et du PNUD à Bruxelles, Clémentine Schumacker, Rédactrice de l’APNU Jeunes.

Mme Brückner a commencé sa carrière comme stagiaire à la Commission européenne, puis comme conseillère politique en matière de droits de l’homme dans le domaine des affaires humanitaires. Par la suite, elle a poursuivi une carrière diplomatique au sein du ministère danois des Affaires étrangères pendant 13 ans, au cours de laquelle elle a été représentante permanente adjointe à la mission du Danemark auprès de l’ONU à New York. Elle a ensuite été cheffe de cabinet adjointe et directrice adjointe du Bureau exécutif du PNUD, directrice du Bureau de représentation nordique du PNUD et directrice de la ville des Nations Unies à Copenhague jusqu’à sa nomination au poste de directrice du Bureau des Nations Unies/PNUD à Bruxelles en septembre 2021.

Interview

« La réalité de la mondialisation implique que les enjeux du discours international concernent toutes les nations au niveau local, régional et mondial. Selon vous, quels sont les principaux obstacles au maintien de la paix internationale et à la promotion du multilatéralisme ? »

Nous vivons à une époque de nombreuses crises – des guerres et des conflits à la COVID-19 et aux changements climatiques. Celles-ci causent des décès et laissent de profondes cicatrices, renversant les gains de développement et augmentant les inégalités. Au cours des 30 dernières années, nous avons réalisé des progrès sans précédent dans la lutte contre la pauvreté, la faim et la maladie, et nous avons réussi à améliorer la qualité de vie dans le monde entier. Mais la pandémie de COVID-19 a poussé jusqu’à 100 millions de personnes dans l’extrême pauvreté en 2020 seulement.

Une coopération internationale de grande qualité est essentielle pour relever les défis mondiaux actuels et émergents. Si l’ONU a été en mesure de faire une réelle différence dans la vie des gens partout dans le monde, c’est grâce au soutien de ses nombreux partenaires qui sont convaincus de la nécessité d’une collaboration et coopération efficace pour garantir une paix durable.

Par exemple, la Belgique est l’un des principaux partenaires et partisans du PNUD en ce qui concerne les Objectifs de développement durable (ODD), le défi climatique et la consolidation de la paix. Sa contribution nous a notamment permis de réhabiliter des écoles et des hôpitaux en Irak, d’aider des pays à élaborer des plans climatiques nationaux et de faire face aux enjeux de la COVID-19.

La solidarité et la coopération internationales sont essentielles si nous voulons assurer un avenir meilleur aux peuples et à la planète.

En Irak, grâce à la Belgique et à nos partenaires, nous avons appuyé le retour de plus de 4,9 millions de personnes déplacées par l’EIIL (État islamique en Irak et au Levant). Plus de 8 millions de personnes ont maintenant accès à des infrastructures, des services et des soutiens essentiels comme des emplois. Photo : PNUD Irak

« L’aspiration universelle d’atteindre le progrès environnemental, social et économique collectif est une grande mission. Quels sont les principaux piliers pour assurer une prospérité durable à l’échelle mondiale ? »

L’adoption à l’unanimité des Objectifs de développement durable (ODD) par 193 pays en 2015 est en soi une réalisation majeure dans l’histoire du multilatéralisme. Les consultations mondiales sur l’avenir auxquelles la société civile, les jeunes, le secteur privé et d’autres parties prenantes ont participé ont inspiré l’élaboration d’un ensemble de 17 priorités mondiales auxquelles tous les États membres de l’ONU se sont engagés à parvenir. En tant qu’entités collectives, l’ONU, les gouvernements nationaux et le secteur privé disposent des ressources financières et technologiques nécessaires pour transformer le monde et relever les défis urgents de notre époque. La priorisation collective de la réalisation d’un monde plus durable, plus pacifique et plus juste dans l’agenda politique de tous les pays permettrait de réaliser d’énormes progrès.

Pour lutter contre le changement climatique, nous devons décarboniser considérablement l’économie mondiale et adopter des modes de consommation et de production durables. En effet, pour chaque dollar consacré à la lutte contre les effets de la crise climatique sur les plus vulnérables, quatre dollars sont consacrés aux subventions de combustibles fossiles qui ont des effets néfastes sur les populations et la planète. Des réformes audacieuses sont donc nécessaires pour éviter une catastrophe climatique, réorienter les fonds pour soutenir les plus impactés, créer des emplois et protéger la planète.

« Comme vous l’avez déjà mentionné, il est très difficile de s’attaquer simultanément à de multiples problèmes. Comment les Nations Unies coopèrent-elles avec les États membres en temps « normal » et en temps de crise ? »

Les Nations unies travaillent en étroite collaboration avec les États membres. De manière générale, l’ONU vise à fournir un soutien technique et à recueillir des fonds pour les programmes d’aide et les investissements. En temps « normal », les Nations Unies établissent des trajectoires de développement à long terme en identifiant les priorités des pays et en soutenant les secteurs d’aide concernés. Par exemple, les pays à revenu intermédiaire peuvent avoir besoin d’aide en ce qui concerne la numérisation, les préoccupations environnementales et le développement d’un meilleur système éducatif. Les ODD sont un excellent guide pour aider les pays à définir leur stratégie de développement.

En temps de crise, l’aide des Nations Unies se concentre sur l’aide humanitaire pour répondre aux besoins immédiats, qui est essentielle pour sauver des vies et protéger les moyens de subsistance de base. Au fil des années, nous avons réalisé que la lutte contre les crises doit aller de pair avec un développement durable et efficace. Il est donc essentiel de combiner la fourniture d’aide en s’assurant que les populations ont leur mot à dire dans le progrès de leur pays.

« En tant qu’agence de développement des Nations Unies, le PNUD cherche à instaurer une paix durable et à fournir de l’aide aux pays touchés par les conflits. Concrètement, comment aborder les crises et les conflits sur le terrain pour assurer la reprise, la stabilisation et la transition vers le développement ? »

Dans un monde fragilisé, le PNUD tire parti de sa présence et de son mandat uniques en accordant la priorité à son travail de lutte contre les crises et les conflits. En collaboration avec l’Union européenne, nous promouvons une approche intégrée basée sur la prévention de l’insécurité, l’identification des facteurs de fragilité, la promotion d’une cohésion sociale permettant la reprise après les crises et la construction d’une paix durable. Par exemple, au Yémen, nous avons aidé des milliers de personnes à avoir accès à de la nourriture, à des emplois et à de l’électricité. En Asie du Sud-Est, nous avons mis en place une initiative phare qui encourage la tolérance et le respect de la diversité afin de réduire l’extrémisme violent. Par ailleurs, dans plusieurs pays d’Afrique, nous avons élaboré un système d’alerte et d’intervention rapide qui permet de prévenir la violence électorale. Dans les Caraïbes, l’amélioration des procédures d’intervention en matière de catastrophe naturelle permet également aux pays de mieux coordonner leurs réponses et interventions en cas de danger.

Face à la guerre en cours en Ukraine, le PNUD s’est joint au système des Nations Unies pour appuyer les efforts immédiats visant à protéger et à aider les personnes les plus touchées dans le pays, ainsi que les réfugiés en provenance de l’Ukraine. Des équipes se sont mobilisées pour fournir des services de soins de santé d’urgence, de la nourriture, des produits d’hygiène, des conseils psychosociaux, des services de transports transfrontaliers, des logements temporaires et des abris à ceux qui fuient le pays.

« Face à l’interdépendance croissante, la nécessité d’agir dans le cadre d’un programme commun pour faire face aux nouveaux défis s’est avérée centrale. Comment définiriez-vous le rôle des Nations Unies dans l’établissement des priorités mondiales ? »

Comme l’a si bien dit l’ancienne secrétaire d’État américaine Madeleine Albright, « Si l’Organisation des Nations Unies n’existait pas aujourd’hui, il faudrait l’inventer. » Composée de 193 États membres, l’ONU est la seule plateforme où le monde entier peut se rencontrer, dialoguer, conclure des accords et trouver des solutions pacifiques aux problèmes locaux, nationaux et mondiaux. Le Secrétaire Général de l’ONU fixe l’orientation des normes et des valeurs morales et éthiques de l’organisation. Fondamentalement, les Nations Unies cherchent à atteindre le développement économique et social, à promouvoir le respect des droits de l’homme et à assurer la paix et la sécurité à travers ses programmes et projets dans le monde entier. Notre travail contribue à améliorer la vie de millions de personnes dans le monde, fournit de l’espoir et une solution aux nombreux défis mondiaux.

La capacité des Nations Unies à répondre aux crises est souvent critiquée, mais il est important de souligner que l’organisation opère souvent dans des conditions très difficiles et que l’efficacité opérationnelle de l’ONU dépend également des ressources adéquates et du soutien des États membres.

« En tant que Directrice du Bureau des Nations Unies et du PNUD à Bruxelles, votre mission d’unifier divers partenaires afin de fournir des services dans le monde entier est une tâche exhaustive. Comment gérez-vous le poids des décisions à prendre sur des questions sensibles ? »

Mes valeurs sont tout à fait conformes aux aspirations fondamentales des Nations Unies. Il n’est jamais facile de prendre des décisions difficiles. Mais quand je dois le faire, je prends soin d’écouter les personnes directement touchées et de consulter des experts sur le terrain. Je trouve aussi essentiel de considérer le point de vue des personnes qui ne sont pas nécessairement d’accord avec moi. La recherche de conseils et d’expertise est primordiale pour prendre des décisions éclairées. 

« En tant qu’association de jeunes pour les Nations Unies, nous nous efforçons d’encourager les jeunes à participer aux débats onusiens. À votre niveau, quel rôle l’engagement sociétal joue-t-il dans l’orientation d’un avenir plus durable et plus pacifique ? »

Le développement durable ne peut être atteint que par le biais de partenariats transparents. Nos 17 ODD sont le résultat d’une consultation citoyenne mondiale sans précédent où les populations ont exprimé leur point de vue sur l’avenir qu’ils souhaitent. L’inclusion citoyenne est au cœur de la réussite de nos projets. Ecouter les préoccupations des populations nous permet de répondre à leurs besoins. Par exemple, en Afghanistan, bien que la communauté internationale ait retiré son soutien depuis l’arrivée des talibans au pouvoir, les Nations Unies sont sur le terrain pour maintenir les moyens de subsistance et fournir des services d’aide de base, en particulier pour soutenir les femmes afghanes. Nous sommes convaincus que la participation, le dialogue et l’inclusion favorisent la confiance et les partenariats nécessaires à un développement sur le long terme.

« La promotion de la coopération internationale est une grande et laborieuse mission. Travailler pour les Nations Unies, et en particulier à votre position actuelle, était-ce une ambition pour vous ? »

Je trouve mon rôle aux Nations Unies plus libérateur et épanouissant que mon emploi précédent de diplomate, où j’ai dû défendre les intérêts nationaux de mon pays et parfois des politiques avec lesquelles je n’étais personnellement pas toujours d’accord. Mon poste aux Nations Unies me permet de défendre des valeurs qui me tiennent à cœur. De plus, en tant que femme, il n’était pas facile de faire partie d’un monde diplomatique assez conservateur. Je trouve l’ONU plus inclusive.

En tant que Représentante permanente adjointe à la mission du Danemark à New York, j’ai travaillé en étroite collaboration avec l’ONU, ce qui m’a fait réaliser mon appel à poursuivre la mission et les valeurs de l’ONU. Quand des amis me demandent pourquoi je travaille autant, ma réponse est que ma profession, comme pour beaucoup de mes collègues, est plus qu’un travail ; c’est une vocation et une mission que je peux remplir en restant fidèle à mes valeurs.

Conclusion

Le rôle crucial que jouent les Nations Unies pour sauver et améliorer la vie de millions de personnes dans le monde nous rappelle, surtout ces derniers temps, que les enjeux mondiaux exigent plus de solidarité et de coopération. Porteuse d’espoir pour l’avenir, Camilla Brückner encourage les jeunes militants désireux de travailler aux Nations Unies à obtenir un diplôme dans des domaines pertinents, à maîtriser plusieurs langues et à acquérir de l’expérience dans les missions de l’ONU par le biais de stages et d’engagements dans des associations onusiennes ou des ONGs.

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