Un nouveau traité pour protéger la biodiversité en haute mer : accord historique à l’ONU
A ce jour, seuls 8% des mers de la planète sont protégés, et seulement 1% dans les zones situées en dehors de la juridiction des Etats. Engagées dès 2004, les discussions sur la protection de la biodiversité en haute mer, ont finalement abouti, le 4 mars 2023 à un accord, sous la houlette de la présidente de la conférence intergouvernementale chargée des négociations, la Singapourienne Reena Lee.
Le Traité des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) a été conclu en 1982, avec pour objectif de codifier les devoirs et les obligations des Etats en mer. Il est entré en vigueur en 1994, après la 60e ratification. Le traité créait un Tribunal du droit de la mer, définissait les diverses zones maritimes (eaux territoriales, zones économiques exclusives et la haute mer, au-delà de toute juridiction nationale). A l’époque, l’intérêt se concentrait sur l’exploitation potentielle des ressources minérales des fonds marins : les zones d’exploitation furent cartographiées et une Autorité des fonds marins créée pour octroyer les licences d’exploration et d’exploitation. Resté longtemps dormant, ce domaine connaît un regain d’attention, en raison des besoins de la transition énergétique.
L’UNCLOS comprend aussi des dispositions relatives à la biodiversité du milieu marin. Mais assez rapidement, celles-ci ont été considérées comme trop vagues, ou trop faibles, notamment en ce qui concerne la haute mer. D’autant que l’augmentation des risques climatiques et environnementaux posait de nouveaux défis pour la santé des océans. Un processus informel pour “la biodiversité au-delà des juridictions nationales” (en anglais “biodiversity beyond national jurisdiction – BBNJ) a donc été lancé dès 2004. Il débouchera, après de longues années de discussion, sur la mise sur pied, par l’Assemblée générale de l’ONU, en 2017, d’une conférence intergouvernementale chargée d’élaborer le texte d’un instrument juridiquement contraignant, relatif à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité marine.
Le produit de ces négociations est donc le texte d’un Traité international de protection de la Haute mer (officiellement un “Accord dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité biologique marine dans les zones au-delà des juridictions nationales”) sur lequel les Etats viennent de s’accorder. Un équilibre a pu être dégagé entre les préoccupations des conservationnistes, celles des milieux scientifiques et économiques intéressés par l’exploitation des ressources génétiques du milieu marin et celles des pays en développement, soucieux une fois de plus de bénéficier d’une part juste des retombées de l’exploitation de ce patrimoine commun, mais aussi des avancées technologiques et scientifiques dans ce domaine. Un long travail attend toutefois les experts qui devront définir les modalités d’une répartition acceptable.
L’accord définit les modalités et les procédures d’exploitation des ressources génétiques marines et de partage équitable des avantages monétaires et non-monétaires en résultant. Il définit également les critères applicables pour la création, sous supervision internationale, de zones marines protégées qui pourront être reliées en réseau et d’autres mesures de protection, ainsi que les procédures encadrant leur désignation et les modalités de surveillance de leur mise en œuvre. Il instaure une obligation générale d’étude d’impact préalable à toute activité dans les zones marines au-delà des juridictions nationales. Enfin il fixe le cadre d’une coopération internationale en matière de développement des capacités et de transfert des technologies marines.
La conclusion des négociations sur un Traité de la Haute mer a été saluée tant par les Etats que par les organisations non gouvernementales. Le Traité fournit des pistes et des instruments concrets pour mettre en œuvre l’engagement de la communauté internationale, pris à la COP 15 sur la biodiversité de Montréal en décembre dernier, de protéger 30% des terres et des mers d’ici à 2030.
Le texte doit encore être toiletté et traduit ; l’accord sera ouvert à signature à l’occasion de l’ouverture de la prochaine Assemblée générale de l’ONU. Il entrera en vigueur dès la 60e ratification.
La Belgique a toujours joué un rôle très actif dans les négociations ayant mené à cet accord. Comme mentionné dans un bulletin précédent, elle a créé et animé le Groupe des Blue Leaders pour la protection de 30% des océans d’ici 2030. Elle a aussi posé sa candidature pour accueillir le Secrétariat du nouveau traité.
✒️ Bénédicte Frankinet, administratrice APNU