Le rôle des Nations Unies dans le conflit du Tigré
Alors que la guerre en Ukraine a suscité une attention médiatique et politique aux quatre coins du monde, le conflit armé entre le gouvernement Ethiopien et les dirigeants de la région du Tigré qui a frappé le Nord de l’Éthiopie le 3 novembre 2020, entrainant une violence généralisée qui a conduit à d’innombrables attaques, pillages et massacres contre les civils, et notamment des actes de torture, de détentions arbitraires et le déplacement forcé de près de 2 millions de personnes, et qualifié de pire catastrophe humanitaire causée par l’homme sur Terre par Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS, a reçu relativement peu d’attention médiatique et diplomatique.
Face à ce manque d’attention internationale préoccupant, nombreux sont les dirigeants africains qui ont déploré le manque de solidarité de la communauté internationale, rappelant l’importance d’actions conjointes dans la résolution pacifique et durable des conflits.
Bien que le Conseil de Sécurité de l’ONU ait lancé un appel encourageant la cessation des hostilités par la négociation d’un cessez-le-feu, ce dernier s’est retrouvé dans l’incapacité d’adopter une position commune sur le conflit. En réaction, sous la coordination de l’organisation ‘Atrocities Watch Africa’, 12 groupes de la société civile Africaine ont publié une lettre, destinée au Secrétaire Général de l’ONU, alarmant sur “Le risque de Génocide en Ethiopie”, dessinant ainsi un parallèle avec l’inaction du Conseil de Sécurité de l’ONU 28 ans plus tôt vis-à-vis du génocide au Rwanda.
Palliant l’incapacité du Conseil de Sécurité à agir, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé à la fin de toutes les hostilités et à la protection des civils dès le début du conflit. Le 4 novembre 2020, le Haut Commissariat des Droits de l’Homme (HCDH) et la Commission Ethiopienne des Droits de l’Homme (EHRC) surveillant de près la situation, ont exprimé leurs inquiétudes face à l’observation d’importantes violations des droits humains et l’impact dévastateur du conflit sur les populations civiles. Les résultats de leur enquête partagés un an après le début des hostilités révèlent en effet une importante souffrance civile, une impunité omniprésente ainsi que de nombreuses violations graves des droits humains et du droit International Humanitaire.
Afin de répondre aux besoins humanitaires importants et urgents de la région, plusieurs entités des Nations Unies ont été déployées sur le terrain. Le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) a été mobilisé pour acheminer des provisions d’eau, des abris d’urgences, des services de santé ainsi que des objets essentiels tels que des couvertures, des matelas, et des produits d’hygiène malgré des difficultés importantes dans l’acheminement de l’aide humanitaire vers les camps de réfugiés. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a également été actif dans les régions d’Afar et d’Amhara ainsi qu’au Tigré dès octobre 2021 pour la livraison d’un convoi humanitaire.
En parallèle à l’aide matérielle, les Nations Unies ont soutenu la promotion de conditions favorables à l’établissement d’un processus de dialogue national inclusif. Les efforts conséquents de l’Union Africaine (UA) qui a œuvré pour apporter les fondations de la paix en Ethiopie ont permis la signature du ‘Pacte de Pretoria’ le 2 novembre 2022 marquant une fin (fragile) des hostilités et ouvrant la voie à l’acheminement d’une aide humanitaire visant à répondre aux besoins les plus pressants.
Selon l’analyste principal de Crisis Group pour l’Éthiopie, William Davison, ce processus de paix va faire face à d’énormes défis, mais si les deux parties de la direction fédérale et du Tigré maintiennent leur engagement à l’égard des négociations et, finalement, de la paix, il peut être couronné de succès. Compte tenu de la fragilité évidente des processus de paix, il est nécessaire que la communauté internationale reste attentive aux développements dans cette région clé du pays dont la stabilité a des implications importantes pour la paix sur l’ensemble de l’Éthiopie.
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Edwina Seni et Noé Petitjean, APNU Jeunes