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APNU JEUNES – Perspectives sur le « nouvel » Afghanistan en vue d’une possible reconnaissance de la part de la Communauté Internationale 

Félix Dejaiffe, M.A de spécialisation en analyse interdisciplinaire de la construction européenne, Université Saint-Louis Bruxelles (Université Catholique de Louvain) et Clémentine Schumacker, BA3, Science Politique, Université Libre de Bruxelles (Université Libre de Bruxelles)

1. La communauté internationale face à la situation en Afghanistan :

En août 2021, les forces talibanes ont pris le contrôle de la quasi-totalité de l’Afghanistan après le retrait des forces militaires américaines. Cette opération marque la fin du plus long conflit impliquant l’armée américaine, avec, pour résultat, un Afghanistan en proie à une crise sécuritaire, humanitaire et économique aiguë. 

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, plus d’un demi-million de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays rien qu’en 2021 – et le nombre de civils contraints de fuir ne cesse d’augmenter. Au cours de la période hivernale, les Nations Unies ont apporté un soutien financier et humanitaire à plus de 200 000 personnes vulnérables pour leur permettre de chauffer leur maison et prévenir un risque de malnutrition et de famine généralisée dans le pays.

Face au renversement du gouvernement et à la prise de Kaboul par les insurgés, l’avenir de l’Afghanistan et de ses citoyens repose désormais dans les mains du nouvel Émirat Islamique confronté à de multiples crises. La montée en puissance des talibans a suscité l’inquiétude de la communauté internationale, préoccupée par la manière dont le mouvement utilisera son nouveau pouvoir, et par les répercussions de ce changement politique sur les pays voisins. Dans le contexte de cet Etat déliquescent, l’organisation du maintien de la paix dans la région s’est avérée une minutieuse mission pour l’Organisation des Nations Unies.

2. Qu’en est-il du rôle de l’ONU ?

L’objectif premier des Nations Unies est de maintenir une communication avec le gouvernement des talibans afin de le superviser et ainsi d’assurer le respect des conditions essentielles de leur gouvernance, notamment concernant le traitement de la population et les acquis en matière de droits des femmes.

A ce sujet, Deborah Lyons, représentante spéciale des Nations unies et cheffe de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) a déclaré : “en fin de compte, les talibans doivent décider s’ils gouvernent en fonction des besoins et des droits de la population afghane diversifiée, ou s’ils gouvernent sur la base d’une idéologie étroite et d’une base ethnique encore plus étroite”.

En parallèle, le Secrétaire général Antonio Guterres a déclaré que l’ONU ne pourrait faire mieux que les américains, qui ont dépensé pas moins de 1.000 milliards de dollars durant l’occupation des territoires afghans par leurs troupes, pour finalement voir le gouvernement et l’armée afghane s’effondrer dès le retrait des forces étrangères.

Cette déclaration n’a cependant pas empêché les Nations Unies de tenter d’agir en profondeur, avec le renforcement du mandat de la MANUA par le Conseil de sécurité, spécialement dans les domaines des droits de l’homme et de l’égalité de genres, le 17 mars dernier, et sa prolongation jusqu’au 17 mars 2023. Cette mission d’assistance a également pour objectif de promouvoir une gouvernance inclusive, représentative et respectueuse du droit international. L’interaction de l’Afghanistan avec la communauté internationale représente un véritable défi.

De plus, la situation économique de l’Afghanistan risque bel et bien de demander un effort supplémentaire de la part des agences onusiennes. En effet, le retour des Talibans au pouvoir a provoqué l’envol des prix des produits de consommation essentiels ainsi que l’épuisement rapide des ressources financières, renforçant une insécurité alimentaire déjà importante. Dans un pays fortement dépendant de l’aide extérieure, le retrait de l’aide financière internationale risque de mettre le pays à genoux. La preuve en est que depuis 2002, 80% du budget public se voyait financé par l’aide internationale.

Par ailleurs, les banques afghanes ont rapidement fermé, privant la population de liquidités. Par conséquent, la devise nationale a chuté car l’aide internationale, qui représentait les trois quarts des recettes budgétaires de l’Etat afghan, a été suspendue. En opposition au gouvernement taliban, l’Union européenne a suspendu son programme d’aide au développement de 1,2 milliard d’euros sur quatre ans et les Etats-Unis ont bloqué l’accès à la quasi-totalité des avoirs de la Banque centrale afghane. Le FMI a également retiré ses aides en attendant de savoir si le nouveau régime serait reconnu par la communauté internationale, suivi par la Banque mondiale, inquiète en particulier du sort des femmes afghanes.

Face à ces risques économiques importants, la MANUA a injecté des liquidités dans l’économie et tente actuellement de mettre en place une facilité d’échange dans le but de donner accès à des dollars américains à des entreprises légitimes afin de leur permettre d’importer des marchandises.

3. Le nouveau gouvernement de l’Emirat Islamique d’Afghanistan :

Face au nouveau gouvernement des Talibans, qui peine à démontrer sa capacité à exercer une maîtrise politique alignée sur les demandes de la MANUA, la communauté internationale peine à avancer sur la question de sa reconnaissance. En effet, actuellement, aucun gouvernement n’a accepté de donner aux Talibans une quelconque reconnaissance diplomatique à cause de la crainte évidente que l’argent apporté à la population afghane ne finisse entre les mains des dirigeants talibans qui en feraient possiblement usage à des fins terroristes.

Nous pouvons conclure que, malgré l’échec des Etats Unis en Afghanistan, la montée en puissance des Talibans “2.0” et l’enjeu de leur reconnaissance politique, il reste crucial de faire face au dilemme du maintien de l’assistance humanitaire et de s’engager dans un relatif partenariat avec le nouveau gouvernement afghan afin d’éviter l’effondrement économique du pays et l’aggravation des conditions de vie des citoyens.

Bibliographie

Farooq Yousaf & Moheb Jabarkhail (2021). Afghanistan’s future under the Taliban regime: engagement or isolation?, Journal of Policing, Intelligence and Counter Terrorism, DOI: 10.1080/18335330.2021.1982139

Michelle Nichols & Mary Miliken. (16 Septembre 2021). “A fantasy’ to think U.N. can fix Afghanistan” Guterres says, Reuters, https://www.reuters.com/world/asia-pacific/a-fantasy-think-un-can-fix-afghanistan-guterres-says-2021-09-15/, accés 10/10/2021

Noémis Taylor-Rosner. (13 Octobre 2021). Le G20 s’engage à aider l’Afghanistan pour éviter une catastrophe économique, Courrier International https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/humanitaire-le-g20-sengage-aider-lafghanistan-pour-eviter-une-catastrophe-economique, accès 19/11/2021

Hannah Duncan & Kate Clark. (06 Septembre 2021). Afghanistan’s looming economic catastrophe : What next for the Taliban and the donors ? Afghanistan Analyst Network ?https://www.afghanistan-analysts.org/en/reports/economy-development-environment/afghanistans-looming-economic-catastrophe-what-next-for-the-taleban-and-the-donors/, accès 19/11/2021

Joshua D. Kertzer. (Septembre 2021). American Credibility after Afghanistan: what the withdrawal really means for Washington’s reputation, Foreign Affairs, https://www.foreignaffairs.com/articles/afghanistan/2021-09-02/american-credibility-after-afghanistan, accès 10/11/2021

Asli Aydıntaşbaş & Al. (25 Août 2021). The Fall of the Afghan government and what it means for Europe, European Council of Foreign Relations, https://ecfr.eu/publication/the-fall-of-the-afghan-government-and-what-it-means-for-europe/#Security_and_defence, accès 10/11/2021

Hazrat M. Bahar. (2020). Social media and disinformation in war propaganda: how Afghan government and the Taliban use Twitter, Media Asia, Vol. 47, Numéro 1-2: Repression / Assertion, pp. 34-46 https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01296612.2020.1822634?journalCode=rmea20&, accès 21/09/2021

Lectures supplémentaires

Barnett R. Rubin. (2020). Afghanistan: What everyone need to know, Oxford University Press, ISBN: 9780190496630

Carter Malkasian. The American War in Afghanistan: A History, Ed. Oxford University Press, ISBN: ‎ 978-0197550779

Craig Whitlock. (Août 2021). The Afghanistan Papers: A Secret History of the War, Ed. Simon & Schuster, 368 pages, ISBN-13 ‏ : ‎ 978-1982159009.

Francis Fukuyama. (2006). Nation-Building: Beyond Afghanistan and Iraq, Ed. The Johns Hopkins University Press, 272 pages, ISBN: 9780801883354

Hassan Abbas. (2015). The Taliban Revival: Violence and Extremism on the Pakistan-Afghanistan Frontier, Ed. Yale University Press, 299 pages, ISBN: 9780300178845

Set G. Jones. (2010). In the Graveyard of Empires – America War in Afghanistan, Ed. Norton, 464 pages, ISBN : 978-0393338515

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