Conflit Israël – Hamas : et pendant ce temps, à l’ONU…
Au vu de la situation catastrophique à Gaza dans le cadre du conflit Israël-Hamas, et de la prise en charge des négociations par les Etats-Unis, le Qatar et l’Egypte, le rôle joué par le Secrétaire général et les institutions onusiennes peut sembler dérisoire. Les décisions intervenues récemment constituent cependant des éléments de référence pour évaluer les moyens d’action de l’ONU lorsqu’elle est confrontée à des situations complexes, éventuellement dégager les moyens d’en faire le meilleur usage, et si nécessaire les repenser.
Après de nombreuses péripéties, et comme en écho à la visite deux jours plus tôt du Secrétaire général à Rafah, le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est enfin mis d’accord le 25 mars sur une résolution concernant l’établissement d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza (Résolution 2728, Situation au Moyen Orient y compris la question palestinienne).
14 membres du Conseil ont voté en faveur du texte, déposé par le Mozambique au nom des 10 membres non-permanents. Les Etats-Unis, en s’abstenant, n’en ont pas bloqué l’adoption, mais ont regretté qu’elle ne condamne pas l’attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023. Ils ont toutefois surpris les juristes en déclarant que la résolution n’avait pas valeur contraignante. Celle exige un cessez-le feu immédiat à Gaza, “pendant le mois du ramadan” … qui mène à un cessez-le-feu durable, la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages, le respect du droit international par toutes les parties et le libre passage de l’aide humanitaire.
Un texte présenté quelque temps auparavant par la délégation américaine s’était heurté aux vetos de la Russie et de la Chine, au motif notamment que sa formulation sur la question d’un cessez-le-feu restait trop vague. La Russie a par conséquent suggéré que ce veto “utile” a permis l’adoption d’une meilleure résolution.
En dépit des appels répétés à la mise en oeuvre immédiate de la résolution, les progrès concrets sur le terrain se font attendre.
Pour sa part, le 28 mars, la Cour Internationale de Justice, a complété son ordonnance du 26 janvier 2024 demandant à Israël de prendre des mesures conservatoires pour prévenir la commission d’actes qui pourraient relever de la Convention sur le génocide. Suite à une nouvelle demande que lui avait adressée l’Afrique du Sud, elle a cette fois enjoint Israël de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour assurer la fourniture d’aide humanitaire à grande échelle dans la bande de Gaza, y compris en ouvrant des points de passage terrestres, et de veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette pas de violation des droits des Palestiniens de Gaza en tant que groupe protégé par la Convention sur le génocide. Séparément, le Nicaragua a introduit auprès de la Cour une requête introductive d’instance contre l’Allemagne à raison de manquements allégués aux obligations de cette dernière découlant de la Convention sur le génocide, en raison de ses fournitures d’armes à Israël. Les audiences publiques sur la demande en indication de mesures conservatoires, également présentée par le Nicaragua, ont débuté le 9 avril.
Par ailleurs, le 2 avril, le Représentant de la Palestine aux Nations Unies a relancé la procédure d’accession de son pays au statut de membre à part entière de l’ONU, et demandé que le Conseil de sécurité se prononce à ce sujet dans le courant du mois d’avril. La Palestine est, depuis 2012, Etat observateur auprès des Nations Unies, un statut qu’elle partage avec le Saint-Siège. L’admission en tant qu’Etat membre de plein droit exige une décision positive du Conseil de sécurité, suivie d’une adoption par l’Assemblée générale à la majorité des deux tiers. Si une large majorité des pays membres de l’AG sont favorables à cette requête, Les Etats-Unis viennent toutefois d’opposer leur veto au Conseil de sécurité et ont donc bloqué l’admission de la Palestine comme etat membre de plein droit pour les prochaines années. « Ce vote ne reflète pas une opposition à la création d’un État palestinien, mais plutôt la reconnaissance du fait qu’il ne viendra que de négociations directes entre les parties » a précisé le représentant Permanent adjoint des Etats Unis , pour expliquer son vote.
Le Conseil des droits de l’homme a régulièrement à son ordre du jour plusieurs résolutions concernant la situation et les droits des Palestiniens. Lors de sa récente session, il a en outre adopté, le 5 avril, une résolution spécifique (55/28) en réaction à la situation à Gaza. Il s’y déclare profondément préoccupé par les informations relatives à d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité et au risque plausible de génocide évoqué par la CIJ. La résolution dénonce par ailleurs les attaques contre les civils (y compris celles du 7 octobre) et demande l’accès aux otages et leur libération immédiate. Elle appelle notamment à “tous les Etats à cesser la vente, le transfert et la livraison d’armes, de munitions et d’autres équipements militaires vers Israël… afin de prévenir de nouvelles violations du droit humanitaire international et des violations et abus des droits de l’homme”. Elle condamne aussi “l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’action” et dénonce “le recours à l’intelligence artificielle pour aider à la prise de décision militaire susceptible de contribuer à des crimes internationaux”. La Belgique, membre du Conseil des Droits de l’Homme, a voté en faveur de cette résolution, mais les membres de l’UE présents au Conseil ont voté en ordre dispersé.
Bénédicte Frankinet – administrateur APNU
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