Mieux ensemble : 80 ans et plus pour la paix, le développement et les droits humains
La 80e Assemblée générale de l’ONU s’est ouverte à New York le 9 septembre.
Les Nations Unies ont 80 ans cette année. Loin des célébrations, la traditionnelle semaine de haut niveau de l’Assemblée générale s’est déroulée dans une ambiance en demi-teinte.
Auparavant s’est tenue la réunion au sommet de la Conférence sur la Palestine, initiée par la France et l’Arabie Saoudite ; une dizaine d’Etats ont annoncé leur reconnaissance de l’Etat palestinien. Le Président de l’Autorité palestinienne, s’étant vu refuser un visa d’entrée par les Etats-Unis, a dû s’exprimer par vidéo conférence. Le Roi d’Arabie Saoudite n’a pour sa part pas fait le déplacement et s’est fait remplacer par son ministre des Affaires étrangères. Quant au Président Trump, il prépare en concertation avec les pays arabes son propre plan “en 21 points” pour Gaza, qu’il devrait également soumettre à Benjamin Netanyahu.
A l’ouverture du débat général, qui voit la quasi-totalité des dirigeants politiques du monde se succéder à la tribune, le Secrétaire général Antonio Guterres a plaidé, face aux chefs d’Etat et de gouvernement, en faveur du multilatéralisme et défendu le bilan de son organisation. Il ne faut pas perdre de vue que l’ONU exécute les mandats que lui ont confié les Etats membres, a-t-il rappelé, même si son mode de fonctionnement doit être revu. Pour le Secrétaire général, “sans institutions multilatérales efficaces, la multipolarité ouvre la porte au chaos”. Des choix cruciaux se présentent aux Etats membres, a-t-il dit : celui d’une paix ancrée dans le droit international, celui des droits humains et de la dignité humaine, celui de la justice climatique, celui d’une technologie au service de l’humanité, celui de renforcer l’ONU pour le 21e siècle.
L’appel du Secrétaire général n’aura manifestement pas impressionné le Président des Etats-Unis. De son discours de près d’une heure, déjà largement relayé par la presse internationale, on retiendra – au-delà de l’autocongratulation et des outrances – les interrogations sur l’utilité de l’ONU, qui a pourtant “un potentiel extraordinaire” ( comme Trump l’a répété dans son entretien avec Guterres), les critiques sur l’inaction présumée de l’organisation face aux conflits, ou sur prétendu soutien onusien à l’arrivée massive de migrants aux Etats-Unis, et l’étalage d’un climato-scepticisme absolu. M. Trump compte cependant sur le soutien de l’ONU pour l’aider à renforcer l’application de la convention sur les armes biologiques grâce à l’intelligence artificielle.
Le Président du Conseil européen, Antonio Costa, représentait l’UE, qui demeure, a-t-il affirmé, un solide défenseur du multilatéralisme, d’un ordre international basé sur le droit et de la Charte des Nations Unies. M. Costa a abordé les conflits en Ukraine et à Gaza, puis plaidé pour une approche de l’intelligence artificielle basée sur l’humain et pour l’élaboration de normes mondiales en matière d’IA, ainsi que de mesures de transparence et de redevabilité dans ce domaine.
Le Premier Ministre Netanyahu a pris la parole devant une salle de l’Assemblée générale délibérément désertée par nombre de délégations dès son arrivée. Il a vivement critiqué les Etats qui ont récemment reconnu l’Etat palestinien, les accusant d’encourager par là le terrorisme contre les juifs ; reconnaître la Palestine reviendrait pour Israël à un “suicide national”. Il également contesté qu’Israël porte une responsabilité dans la famine qui règne à Gaza et récusé les accusations, à son encontre, de génocide contre la population civile gazaouie. M. Netanyahu a annoncé son intention de “terminer le travail” pour anéantir le Hamas.
La plupart des autres Etats membres ont, parfois de façon critique, défendu le rôle de l’ONU, les valeurs du multilatéralisme et la coopération internationale. Comme la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, qui a dénoncé l’actuelle “crise de vérité”, menant au “tribalisme politique” et à une crise de confiance générale dans les relations internationales, mais aussi l’absence de volonté politique des Etats membres de faire fonctionner la Charte et maintenir un système basé sur des règles, protégeant les plus faibles.
Chaque discours prononcé au cours du débat général est désormais disponible sur la chaîne YouTube officielle.
👉 Texte du discours de De Wever / video
👉 Couverture du débat général par l’ONU
En marge de la réunion de l’Assemblée générale s’est tenu également un sommet sur le climat, voulu par le Secrétaire général pour engranger des promesses concrètes à quelques semaines de la COP de Belem. Les objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent en effet être revus drastiquement à la hausse si la hausse de la température moyenne doit rester limitée à 1,5 degré. Une centaine de pays, responsables ensemble de près de deux tiers des émissions, devraient être en mesure désormais d’annoncer des objectifs révisés. La Chine, plus gros émetteur mondial, s’est engagée à cette occasion à réduire ses émissions de 7 à 10% en 2035, une réduction en général jugée insuffisante par rapport à sa trajectoire d’émissions. Quant à l’Union européenne, faute d’un accord interne, elle a dû se contenter d’une déclaration confirmant son intention d’annoncer à la prochaine COP, la nouvelle NDC (Nationally Determined Contribution) de l’UE, dans une fourchette de 66.25 % à 72,5% de réduction en 2035, par rapport à 1990.
Un événement de haut niveau s’est également tenu pour marquer le 30e anniversaire de la 4e Conférence sur les droits des Femmes qui s’était tenue à Beijing (voir article séparé)
Enfin le Dialogue mondial sur l’IA, l’une des pièces du puzzle de la gouvernance mondiale de l’intelligence artificielle, a été lancé. Le Secrétaire général a souligné combien le développement futur de l’IA dépendrait de notre capacité à nous adapter et à coopérer en transcendant les frontières et les disciplines. Parmi les sujets évoqués lors de ce débat : la concentration des bénéfices de l’IA au profit d’une minorité, la nécessité d’une gouvernance agile et équitable, la consommation considérable d’énergie requise par cette technologie, la nécessité d’une gouvernance basée sur les libertés fondamentales, les droits humains, les valeurs démocratiques et l’état de droit. Le Conseil de sécurité a, pour sa part, discuté de l’influence de l’IA sur la paix et la sécurité, des avantages qu’elle offre, notamment pour faciliter la prise de décision, mais aussi des risques qu’elle peut poser, notamment en matière de systèmes d’armements autonomes : seule une gouvernance rapide et réactive pourra influencer les développements de l’AI vers des solutions qui bénéficient à tous.
Les chantiers sont donc nombreux. Il s’agira, pour les mener à bien, d’épauler les Nations Unies dans la mise en œuvre de l’exercice de rationalisation et de modernisation qu’ambitionne le Secrétaire général dans son projet UN80. Il reviendra aussi aux Etats membres de confirmer sur le long terme leur propre engagement et leur volonté de contribuer à la réussite de cette entreprise.
Sans cela, l’ONU risque de perdre le rôle essentiel qu’elle a joué dans la gouvernance mondiale depuis 1945.
Bénédicte Frankinet, Myrta Kaulard